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Edito de Décembre 2023

Edito de décembre

Je vois de loin arriver décembre, les oiseaux chantent dans les manguiers du jardin et un enfant joue dans la maison d’à côté. Des mots que j’entends et ne comprends pas, des sons inhabituels, le soleil s’apprête à passer derrière les montagnes, il est 16H18… dans une heure il fera nuit noire, en cela je me rapproche des sensations des décembre que je connais … en cela seulement, car il fait chaud et j’ai jardiné ce matin comme nous le faisons au début de l’été, du temps qu’il fait encore frais.

L’énergie de tenter de comprendre et de parler m’enveloppe dans une bulle, j’en arrive à chercher les mots d’anglais les plus courants quand je tente de m’exprimer par défaut ! … ce que je n’ai pas envie de m’accorder, d’ailleurs ! je préfère feuilleter intérieurement mes capacités en chinois et je conclus souvent que « je ne sais pas dire » ou je bredouille des mots approximatifs, on m’aide, ou pas, on me parle, je comprends encore moins, on sort le portable pour utiliser le traducteur… et je n’aime pas cet anglais qui tombe et, solutionnant informatiquement la phrase, m’empêche d’apprendre !

Mon dictionnaire et mon traducteur internet m’accompagnent quand même, au-cas-où il y aurait une nécessité urgente de se faire comprendre !  mais j’essaie de trouver les formules simples avec mon pauvre vocabulaire … quand j’y arrive c’est souvent en pure perte car ma prononciation n‘est pas à la hauteur des phrases qui sont peut-être, parfois, relativement correctes grammaticalement ! alors, toujours … sourires, saluts, renoncements, gestes et indulgence : on s’assure de savoir de quel pays je viens, on hoche la tête avec sympathie à l’évocation de la France.
Il faut dire que dans cette province du sud de Taïwan, on parle davantage taïwanais que mandarin.
Le lendemain, on me reconnaît et on me salue.

Ce village, dont le nom signifie « porte de l’eau » est à dimension humaine, traversé par une rivière qui galope et actionne une roue à eau, rencontre des vannes et file droit vers un lit caillouteux, infiniment large pour la recevoir… elle s’y perd en zig-zag mais sa vallée passe sous de longs ponts suspendus que j’irai traverser pour le plaisir du mouvement. En perspective, on en voit plusieurs et, au-delà des ponts, on me dit qu’il y a des villages traditionnels qu’on visite. Les aborigènes, premiers habitants de l’île, habitent dans de nouveaux villages, construits pour eux, sur les hauteurs de Shuimen, maisons au carré, jolis jardins, rues désertes croisées perpendiculairement, avec application…
Ils tiennent souvent les magasins à Shuimen et beaucoup, sans doute,  travaillent dans les villes alentours.

Mes promenades m’ont conduite entre des maisons bordées de plantes, plus souvent plantées dans des pots ou des bacs  alignés qu’en pleine terre. Chaque maison, ou presque, a sa vasque remplie, ou son bidon coupé, où s’épanouissent des lotus. Aux grilles sont accrochées des orchidées, aux arbres des plantes parasites ou épiphytes, je circule entre les manguiers et autres champs d’arbres fruitiers inconnus, des plantes vertes sur-dimensionnées, de celles qu’on installe dans nos salons (en tout petit !) ou dans nos jardins, l’été, pour les rentrer soigneusement l’hiver.

Les routes sont essentiellement fréquentées par des scooteurs, quelques voitures et des bus. Peu de place pour les piétons, les marcheurs (je devrais dire la marcheuse que je suis car il y en a très peu) se glissent dans une bande très étroite, entre une ligne blanche et l’herbe, la largeur des hanches, pas plus !
D’ailleurs, on m’a vite repérée et on m’a proposé un vélo, je roule maintenant plus souvent que je ne marche dans la voie cyclable !

Dans la maison, l’influence japonaise se mélange aux habitudes de campagne et de pays tropicaux : dans le bac à douche, un petit tabouret de bois, bas, des bassines et une casserole suspendue invitent à s’asseoir et à faire ses ablutions avec le même soin que nos anciens, sans laisser le pommeau de douche couler à flot. Le confort est là, l’eau est chaude, recueillie dans de grands réservoirs qui surplombent les maisons et j’ai eu plaisir à découvrir ces gestes vus dans des films…

Les chambres ont un plancher légèrement sur-élevé, on glisse ses chaussures d’intérieur dessous, les chaussures d’extérieur ont déjà été déposées à l’entrée, et des matelas très fins sont posés à même le sol.
Dans certaines boutiques, en ville, on pose aussi ses chaussures, avant d’entrer, sur des étagères prévues pour ça, et on enfile des claquettes.

La nourriture est partout, toute prête, odorante, offerte par des étals variés, dans des gargottes au bord des rues, ou de minuscules restaurants populaires… On y mange à la chinoise, à la japonnaise, à la taïwanaïse je suppose, des fritures, des bentos, des bao (pains cuits à la vapeur et fourrés à la viande), des raviolis, du riz sauté, et tous les morceaux de viande les plus étonnants, pattes de poulet, pieds et couenne de cochon, lard frit, croupions, foie, cœurs, crêtes, tripes…
De bonne heure, la vie s’éveille ostensiblement vers 6 H du matin, ces étals sont très fréquentés, on fait la queue pour s’acheter un petit déj taïwanais typique, omelettes aux herbes, galettes feuilletées, cuites sur de grandes plaques, bao, sandwiches, hamburgers taïwanais, nouilles, galettes… l’abondance, seulement du salé, et un grand verre de café au lait de soja, généralement froid. J’ai vite compris que ce qu’on appelle café n’est pas du café mais en a la couleur !

La cuisine de la maison que j’occupe est équipée de l’essentiel : une bouilloire pour purifier l’eau, un frigo et un cuiseur de riz, peu de vaisselle et peu d’ustensiles, apparemment on n’y cuisine guère. La coutume et la facilité sont d’acheter un plat dans la rue, voire d’y manger, rapidement.
Les voisins, pourtant, m’ont invitée, le premier soir, à boire un verre avec des plats maison et m’ont apporté, hier, un grand bol d’une soupe fameuse, … ils m’ont aussi déposé des gâteaux l’après-midi (chauds, achetés en ville), des fruits, en guise d’accueil.
Et les offrandes se renouvellent !

On trouve toutefois quelques  marchands de légumes, de viande crue, de fruits. Je vais m’acheter un panier local et faire mes courses, cuisiner aussi !

La débauche d’emballages surprend et choque les européens que nous sommes, sacs plastiques à profusion, pour le moindre achat, multiplication effrénée des emballages individuels… que l’on retrouve au bord des rues et partout, malheureusement, comme les mégots de cigarette et les canettes de boissons.

Le temps que j’écrive, la nuit s’installe. 17H22.
Le ciel est orangé doux. Les moustiquaires confortables, à toutes les portes et fenêtres, protègent la soirée si on prend soin de ne pas laisser la prote ouverte trop longtemps! quelques géko veillent et je découvre leur cri…

Une nuit douce avance, tiédeur agréable, les coqs s’entrainent déjà, les chiens sont calmes, ils parleront plus tard… il y en a beaucoup alentours, attachés, quelques-uns circulent tranquillement ou dorment étalés à l’ombre. Ceux du voisinage ne me disent déjà plus rien quand je passe, ils ont compris, je suis du lieu.

J’entends le balai qu’on passe dans la cour d’à côté, quelques bribes de phrases échangées.
Les familles mangent tôt.

Cette première fois où je m’échappe en novembre a une saveur subtile d’été prolongé et la légère tension sous-jacente d’un petit challenge. Je me laisse glisser dans un temps inconnu… les mots et expressions me viennent peu à peu. La Joie domine.

Une balade en terre inconnue a commencé un matin tôt, avant la chaleur, vers le « taÏwan indigenous People Culture Park » (cette fois c’était aussi écrit en anglais) : un immense pont suspendu à traverser, puis l’entrée du parc, encore désert. Le pont suspendu très haut au-dessus de la rivière, ne balance pas, fermement arrimé, petite déception après une légère appréhension ! Un ancien pont est au-dessous, bien en-dessous, condamné.
Les deux autres ponts suspendus que j’ai traversés ensuite, plus anciens, moins grandioses, ne balançaient pas non plus mais, étroits et surplombant une forêt luxuriante où on devine à peine une rivière, ils étaient plein de charme. De ceux-là, on était au niveau du sommet des arbres, parfois fleuris de grandes fleurs roses … la forêt embaumait par endroits, j’y ai trouvé ensuite les maisons traditionnelles recomposées ou des ruines, et les cigales (sans doute quelque insecte de ce genre ?) ne se taisaient même pas à mon passage.

Pour la première fois, je vous envoie un édito lointain, décalé, désynchronisé des préparatifs de fête et des frimas, en marche vers ces nouvelles et ultimes « premières fois » à vivre, peut-être vers un nouveau souffle, en dégustant les jours, heure par heure, et un certain déphasage…
J’ai mis deux jours à réaliser que ces interjections que j’entendais de temps en temps devant ma porte ou dans le jardin, comme des cris un peu furieux, c’était mon prénom…  « Anna »… !
A chacune de mes sorties, les têtes s’inclinent et je reçois des sourires, comme dans toutes les campagnes et les montagnes du monde, peut-être … ?

Pas de citation d’Anne Pierjean, cette fois ses pas n’auront pas précédé les miens, terra incognita … ce sont, à l’inverse,  les pas de mes enfants  et de ma petite fille qui m’auront précédée et invitée… 

Anne

Edito de Novembre 2023

Edito en partance
Je m’envole bientôt, vers l’orient… pour une retraite de deux mois et demi, légère en bagages, curieuse, méditative  et zen, j’espère… en route vers une immersion intense dans la vie autrement parfumée, langagée, scandée, vers l’humidité d’un climat sub-tropical, peut-être d’autres brumes, et le frôlement, au jour le jour, d’autres au-delà, d’autres histoires et coutumes… Découvertes en perspectives d’un temps différent pour passer novembre et décembre…

Durant ce temps, l’association vivra sa vie : l’Atelier Passeurs de mots présentera une lecture à la médiathèque d’Aouste, le 10 novembre à 18 H : des extraits choisis, travaillés, aimés, de « Jean de Bise », dernier livre jeunesse édité par Anne Pierjean.

Je fais confiance à ceux de l’association qui veilleront et agiront en mon absence pour ne pas rester les deux pieds dans le même sabot, comme auraient pu dire Paul ou Louise, ou la Thilda de Jean de Bise ! Ils ont carte blanche, ils le savent !

Dans notre actualité : Le livre « Si je regarde par-dessus l’épaule de ma vie » a été ré-imprimé. La route continue pour ce beau recueil et ces beaux textes…  

Une belle rencontre m’a été offerte le 28 octobre lors du Salon de la petite édition à Crest, dans la galerie Espace Liberté : j’ai retrouvé l’ami Gaspard Nocturne, l’éditeur de « l’instant exact » et de « la sente terminière » :
Contrairement à ce que je croyais, ces deux titres sont encore disponibles ! il suffit de les demander à un libraire qui peut les commander à l’éditeur.

                                                                          *    *    *

« je vais, je vis » écrivait sur tous les tons Anne Pierjean : dans ses notes, ses lettres, dans ses dessins comme des enluminures, dans les encres qu’elle expérimentait, dans les broderies qui, parfois, prenaient à ses mains le relai des mots de stylo, et les enchâssaient dans des toiles en abécédaires colorés et virevoltants …

Les mots appellent les mots, le souffle en bandoulière, je poursuis : les archives sans cesse recompulsées, familières et chaudes de sensations et d’émotions tissées, poursuivent leurs vibrations. Recueillies dans les plis des histoires d’Anne Pierjean, dans les échos des contes qui l’ont construite, au creux des témoignages qu’elle a saisis et répercutés…
Ce levain vit, va…

Nourries par nos rencontres, les ondes en cercle s’élargissent, nous les percevons et considérons, encore émerveillés de nos découvertes incessantes…  Il y aura peut-être d’autres moissons à partager, que 2024 construira, élaborera, inventera, tentera, offrira…

2023 appelle 2024, je saute pour la première fois par-dessus novembre et décembre, ces mois en écharpes de nuages et froidures inconstantes…   et serai là pour le 1er rdv de la Bastelle, le 21 janvier, alors que la lumière regrandira aux jours.
Dès maintenant RDV est pris !

Chaque rendez-vous de La Bastelle réactive nos envies, nos idées, notre énergie.
A chaque rendez-vous, chacun amène sa découverte, son coup de cœur et lit un passage d’Anne Pierjean.
Peu à peu les découvertes des uns enrichissent l’univers des autres, donnent envie de lire ce que l’on n’a pas encore abordé… ou de revenir à des passages oubliés.
C’est la vertu du partage, des regards pluriels portés sur les mêmes œuvres qui les font s’animer, à la fois autrement et mêmement…

Les mots d’Anne Pierjean ont ce secret : on ne se lasse pas de les recevoir, de les lire, de les redécouvrir, comme un chemin aimé où l’on aime se promener et que l’on retrouve avec la même émotion chaque fois, miraculeusement, inexplicablement…

Notre dernière rencontre de la Bastelle, décalée au 21 octobre, a eu un air de magie !
Sans se concerter, les participants avaient choisi des passages qui s’enchaînaient, se répondaient, se complétaient comme si on l’avait calculé ! Ils sortaient pourtant de livres très variés : « L’innocente », puis le conte du « loup marié » (non édité), le début de « Nane et l’ami Mathieu », un extrait de « l’instant exact », rarement choisi, et le texte « la soupe » (tiré de « Une enfance contée » et d’une lettre à St Avit) …
… Le tout précédant des bolées de soupe d’automne, auprès du premier feu de bois de la saison.

Un air de magie, un air de veillée… un air d’amitié.

Pour vous, en cadeau d’automne : tapis rouge,
écrit en juillet 99 mais évident prélude au vécu heureux de l’automne où se profilent le carmin des feuilles aux vignes et cerisiers du jardin, et une sérénité somptueuse d’avancée dans la vieillesse.

Foisonnement furtif de voluptés paisibles,
d’intensités si chaudes, de résonances si nombreuses
que le moindre silence au pré est fête.
Sanctifié. Ébloui de couleurs. Bourdonnant de musiques.

Que j’aurai aimé cet été indérangé
dans la maison et le jardin,
les courbes qui s’y créent
le repos qui m’imprègne,
cet envol si sensuel de mots affleurants,
subtils et libres…
Juste essaim vif autour du liseron, de l’abricot,
de l’errance d’une pensée qui cherche place exacte et indolore.

Le soir est si palpable que j’en ferme un instant les yeux,
le corps annulé de fatigue,
envahie d’un bon être essentiel.

Incandescence.
Aussitôt donnée, elle est bue.
Forces offertes d’avant le porche…
Inconnues, évidentes…

Que j’aurai aimé cette vieillesse au Tapis Rouge,
sa clarté attentive
et sa lenteur urgente.

AP, Crest juillet 1999

Edito de Octobre 2023

Un mois de septembre en fête(s) s’achève.
Clôture de l’été, fêtes des anniversaires et de La Bastelle, que j’occupe maintenant depuis 7 ans, où l’association a vu le jour et où les souvenirs s’élèvent, voltigent, creusent leurs sillons de tendresse et d’émotions au fil des jours passés et, tout ensemble, tendus vers l’à venir…

Une lecture de « Si je regarde par-dessus l’épaule de ma vie » à la librairie Escapade(s), le 28, a replié le mois sur son calendrier de jours lumineux comme on roule un tissu… ce tissu de septembre fut chatoyant, l’intensité des ciels, chaque année retrouvée à cette période où les crocus sont au rendez-vous des premières gouttes de pluie, gourmands sans doute, aussi, des rosées revenues par la fraîcheur des nuits… Et l’intensité parallèle de la période de rentrée qui officie tous azimuts.

Il y a du cru dans l’air et dans le soleil, plus incisifs… comme un air de montagne où on respire mieux.

Nous avons décidé de repousser le Rendez-vous de La Bastelle au 21 d’octobre car le 21 de septembre était trop étroitement enclos entre deux fêtes !

Ce sera donc, comme d’habitude, à 18 H, pour échanger nos extraits de lectures aimées : passages de livres d’Anne Pierjean, toujours, mais aussi retrouvailles de rentrée, échanges d’impressions, pointillisme de nos découvertes … car, c’est chaque fois, l’occasion de (re)trouver des textes moins souvent mis à l’honneur dans les 36 romans publiés par l’auteure !

Ainsi, avons-nous été ravis de (re)lire « un épouvantail pour Cathie et Marc », « Belle et Toni de nulle-part », « Judith et l’ey-vive » ou « écume » de « l’instant exact »… chaque participant nous emportant avec enthousiasme dans ses joies et surprises de lecteur.

On trouve les livres d’Anne Pierjean à la médiathèque de Crest, sur les sites de livres d’occasion, et dans les vide-greniers dont fourmille l’été !

En octobre reparaitra aussi le recueil « Si je regarde… », épuisé et dont nous avons lancé la ré-impression.

L’entame du mois de septembre fut marquée par le Forum des Associations de Crest où nous plaçons chaque année notre stand.
Il y eut, comme chaque année, de nouvelles rencontres, de nouvelles personnes intriguées par ce que nous représentons : une auteure, une écriture… un rappel de souvenirs très vivants et incarnés pour certains.
(cette fois, une ancienne instit de Romans se souvenait bien de l’instit-auteure, souvent accueillie à l’école St Just… ça a été un plaisir de l’entendre l’évoquer).

Détail important, nous figurerons l’an prochain dans le fascicule qui présente l’ensemble des associations crestoises.

Octobre démarrera par une participation, le 3, à une après-midi Contes au CCAS, « Conte sur moi » : nous y lirons des extraits choisis de « Une enfance contée » et « Anne des Collines », deux manuscrits inédits mais accessibles sur le site de l’association.

En conciliabules, plutôt que réunions formelles de « Bureau », nous réajustons nos envies de lire et partager, comme à chaque rentrée : nouveaux contacts, nouvelles initiatives, toujours le même élan de transmission d’une écriture singulière qui, nous en sommes convaincus, traverse délicatement le temps…

Cette association a son pas bien particulier, tranquille, sans hâte, son esprit, aussi… pas de challenge, du plaisir ensemble, pas de forcing, de la curiosité, de l’élan et de l’intime, pas de stress, de la joie et de la conviction… Anne Pierjean s’inscrit dans le temps dédié aux écrivains, dans le lieu et la vie d’ici, l’âme d’une maison et l’évidence des connivences, littéraires et simples, l’amitié des rencontres sans cesse enrichies et renouvelées, l’ouverture…

Au 21 octobre, au Rendez-vous de La Bastelle !
ou sur le site, de temps en temps, pour prendre de nos nouvelles.

 

Edito de Septembre 2023

Edito de septembre

J’ai zappé en tout inconscience l’édito d’août… tour de passe-passe estival, croc-en-jambe amical des multiples activités d’été, festivals et sollicitations diverses ? moment d’absence, teinté de familial et de douceurs… Tout ce que l‘oubli fait à la vie !
Le silence a aussi du bon, délicieusement écrasé de soleil et enrichi d’éclaboussures de rivière.

Je reprends la plume et le clavier aux premières variations d’automne, juste avant le 1er septembre… faut dire que la rentrée qui s’annonce va s’inaugurer bientôt, le 3 septembre, par le nouveau Forum des associations de Crest, auquel nous participerons à nouveau, et qu’elle va nous faire connaître, cette rentrée, quelques turbulences : notamment, pour commencer, le report du rendez-vous de La Bastelle à octobre, exceptionnellement, le 21 octobre donc…

Un rendez-vous qui se suspendra jusqu’à début 2024 car je m‘absenterai 3 mois, cette année, j’irai passer novembre et décembre ailleurs, loin, dans un autre climat… Je l’avais bien dit :  je n’aime pas beaucoup novembre et l’approche brumeuse des frimas et des fêtes de fin d’année… !
A moins qu’une autre maison héberge le rendez-vous de Novembre, nous reprendrons le rythme de La Bastelle  à mon retour : le premier rendez-vous de 2024 sera le 21 janvier !

Programmer si loin me fait sourire, plus trop habituée à tant de projections dans le temps (que j’aime assez prendre comme il vient, chaque fois que possible « au jour le jour », inattendus compris et tellement appréciés !).

Mais avant, …  Il y aura une lecture de « Si je regarde par-dessus l’épaule de ma vie » à la librairie Escapade.s le 28 septembre, à 19 H.
Lecture et présentation de l’ouvrage, à trois voix, discussion et partage.

Mais avant, … Il y aura la reprise de l’atelier « passeurs de mots ». Toujours animé par Claudine et avec quelques modifications, notamment de jour (et le lieu, durant mon absence de novembre-décembre-janvier) car La Bastelle sera fermée.
Ce sera le Jeudi de 18 à 20 H, 2 fois par mois.  La première date de septembre reste à préciser…
Pour mémoire, le groupe a assuré quelques lectures publiques durant l’année écoulée, c’était chaleureux et encourageant.

Mais avant, … Nous relancerons quelques contacts avec l’envie de programmer de nouvelles lectures publiques ou participations à des événements littéraires.

Déjà, nous prévoyons la réimpression de « Si je regarde par-dessus l’épaule de ma vie », épuisé.
Nous espérons de nouvelles dates de lectures-hommages.

Une nouvelle fois, mes pensées revisitent le texte « Septembre enfin… », tiré de « La sente terminière », qui résonne fort, pour moi, au cœur du jardin.

« Le soleil biaise à l’horizon et je respire et les massifs respirent.

Je me surprends à rire avec les capucines qui ne seront plus échaudées et s’offrent le grand jeu des coqs de roche ardents, traînes longues en débandade dans les allées qui s’illuminent.

Les verveines aussi serpentent où bon leur semble. Elles ont enfin ce rose indien des catalogues de fleuristes. Foisonnement superbe. Teintes, corolles, rafraîchies, la rosée emperle le trèfle, le frais du soir abreuve les pétales et je ne suis qu’alléluia : m’est redonné le temps magique d’une contemplation qu’étouffait l’août aux volets clos (…).
La maison peut enfin s’ouvrir sur le pré et les arbres. »

Et ce passage de « l’instant exact » :

« A temps pour un coucher de soleil sur les étangs de Maguelone, là où la mer et les étangs ne sont coupés que par une langue étroite de terre.

Le ciel une coupole, hémisphère posé sur l’eau de toutes parts. A l’heure où plonge le soleil côté étang, l’eau étale est en or infini et le ciel la reflète en rouge… Un instant de silence. Et puis c’est le conciliabule des flamands qui s’organisent pour leurs terres nocturnes. D’autres espèces se chamaillent pour l’occupation des piquets. Et tout se calme.
Les étangs ne sont plus que l’étain poli. Miroir. Chaque piquet enfonce son reflet et son oiseau au bout. Les pattes des flamands sont sur échasses. Et moi sur mon rocher je dois être au septième ciel car Jean-Mi s’approche, passe son bras sur mes épaules, penche sa joue sur mes cheveux et puis il les embrasse.

Sans la moindre parole, tout un bouquet de vie a fleuri d’un seul coup. Nous étions seuls sous le ciel rond, avec un long passé d’amour dont j’ai senti qu’il redoutait le terme. J’ai dit « que je suis bien »… Il a serré légèrement, à peine, son bras sur mes épaules—une seconde, et pourtant bien là dans sa vie, mon fils était encore en moi.

Te dire la joie éperdue de cet instant où nous n’étions que cette joie. Te dire que, tout bêtement, je sais ce que c’est qu’être heureuse.
Pas un mot. Pas un geste de plus. Ce jalon, je l’emporterai, une fois de plus confirmé.
Il était exact, entre l’instant et lui et moi.
(lettre, 19 mars 2002) »

Bonne rentrée

et au 3 septembre ! venez nous rencontrer au Forum des  Associations, Espace Soubeyran (de 10 à 17 H).

 

Edito de Juillet 2023

Edito de juillet 2023

Début d’été, festivals qui s’annoncent, mots en vadrouille et retrouvailles avec les cigales…
Le temps des moissons est passé… autour, les tournesols s’érigent en maîtres de l’horizon, sur fond de montagnes bleues, tandis que, tournées vers le sud, les lavandes développent leurs tapis ourlés, en marge de Provence.

« j’aime les mots qui ne sont pas sans le secours des phrases, j’aime les phrases qui ne sont pas sans ce qui les sous-tend et ne se montre pas.J’aime les textes que je ne peux freiner et qui fuguent vers la rencontre. »
Anne Pierjean dans « entrecroisements », collection I rouge, Juin 2001, Ed. Gaspard Nocturne.

 La rencontre… Maître-mot dans le parcours de vie d’Anne Pierjean … Elle se poursuit dans son sillage de mots, dans sa maison, accueillante et ouverte, à son image, bourdonnante de vie,  et grâce aux lignes de ses livres que nous relisons, parfois découvrons, échangeons, recherchons.

Rencontre et dialogue, échange et soutien de tout ce qui crée, innove, explore, entreprend, ose, partage, batifole aux confins des routines et raisons trop… « raisonnables »… l’auteur et la femme qu’elle fut nous invitent à ce « plus loin » qui enjolive les petits riens de chaque jour comme il nous fait ressentir, avec une intensité subtile, les ondes des drames vécus par ses personnages, portés par leurs  histoires de vie et par les flots de l’Histoire, celle qu’on dit la grande…

Anne Pierjean s’est aventurée loin dans l’écriture et nous laisse, au travers de son œuvre, mille sentes à inventer pour avancer dans nos propres vies, accompagnée par elle, peut-être, car les mots portent et les histoires font pétiller l’imaginaire, animent les berges et les à-côtés du chemin.

La Bastelle nous accueillera le 21 juillet pour un de ses rendez-vous gourmands où papillonnent ensemble les pensées, les souvenirs, les textes lus, les bons vins et les bons mets… Rencontres et assemblages de goûts, croisements d’émotions et sensations de lecture et de vie… Rencontres qui se recréent chaque fois et font fusionner les « sèves » porteuses… Se transmettent là, j’ose le penser, les paris de s’entendre au-delà de s’écouter, et de garder mémoire de ce qui nous a construits et continue de s’écouler en nous.

                                                                     +    +    +
 En souvenir du printemps :

« Un rossignol essaya un trille et le coupa net en l’éraillant. Il recommença deux ou trois fois sans jamais le terminer. Sylvie éclata de rire.
– Depuis deux ans notre rossignol chante faux. Nous n’avons pas de chance. Il n’arrive jamais au-delà de « J’mont’rai plus-plus-plus… »
– Parce qu’il chante « j’mont’rai plus-plus-plus » ?
– Bien sûr ! Vous ne le saviez pas ?
– J’mont’rai plus où ?
Elle rit encore :
–  Vous ne savez pas son histoire ? Il chante « J’mont’rai plus plus plus sur la vign’ » depuis qu’un soir en s’endormant il s’était laissé entortiller le pied par une vrille qui poussait trop vite.
Et il rit. Enhardi, il proposa :
– Si vous veniez manger une poignée de cerises ? Au clair de lune, elles sont toutes fraîches, elles n’ont pas le même goût.

Le cerisier était à l’angle de la cour. On voyait luire ses feuilles et les cerises paraissaient noires. La grande échelle blanche était blafarde et semblait se perdre dans la masse sombre des rameaux.
(…)
Ils s’installèrent dans les branches. Les cerises avaient un goût de nuit, un goût de lune, un goût de bonté aussi. Sylvie se sentait infiniment légère, portée par elle ne savait quelle satisfaction intérieure. C’était comme si un lien dur cessait de la serrer et de l’étouffer. »
Extrait de « L’innocente » paru en 1969, un des premiers livres d’Anne Pierjean…
déjà son écriture qui s’élance…

Edito de Juin 2023

Juin, juin, juin…déjà se prépare le temps des moissons. Mai s’achève dans un méli-mélo d’orages sourds, d’averses capricieuses et de soleils intenses… le bonheur d’été est en route. Les mots filent des jours heureux.

Cacophonie des jeux de grenouilles dans le bassin, qui sature les nuits comme les jours, foisonnement des iris et des asters qui emplissent les massifs, merveilles des moments de détente sur la terrasse et des bouquins lus à l’ombre du parasol… Le soir est tellement rose que j’en souris, entre les chèvrefeuilles et les seringats qui embaument, les éclats orange du grenadier et les rosiers en fête.

De petits pas pour l’association qui, sans effets spéciaux, cultive simplement les liens, humains, heureux, confiants, en tissant des souvenirs et de petits bonheurs : les « passeuses de mots » se préparent à faire une lecture dans un lycée de Valence, le 31 mai, les voisins s’intéressent aux réunions de La Bastelle, les informations se tricotent, d’association en association, d’amis en rencontres heureuses, de lecteurs en auditeurs attentifs… la maison vit aux battements de ces croisements, simples, de vie, d’écoute, d’envies, d’idées lancées, de projets informels, tranquilles… au rythme des plaisirs de se retrouver, les mots en goguette et l’esprit conscient.

Le dernier rendez-vous de La Bastelle, le 21 mai, a été animé de lectures inhabituelles : des textes écrits par certains, en forme de clin d’œil à ce qui nous relie -les textes et l’esprit d’Anne Pierjean, les repas partagés dans sa maison- puis la présentation d’extraits de « Judith et l’Ey-vie », de « Belle et Toni de nulle part », l’émotion à écouter « Ecume » (extrait de « l’instant exact »)…
Comme toujours les esprits brodent, s’évadent, se préoccupent des soucis de chacun, des plaisirs aussi, qui racontent les jours…. La parole foisonne.

Le souvenir d’une lecture de saison, « des yeux bleu barbeau », me donnent envie de fêter la St Jean en la partageant à nouveau… pourquoi pas au jardin ?
Autour du 24 ?… bien sûr, on ne peut plus sauter les feux de la St Jean mais le cœur y serait !

« Ce soir c’était la Saint Jean, et elle n’avait pas le cœur à cela. Sa maison encore en deuil de sa mère, elle n’irait pas à la fête, ne sauterait pas le feu.

Pourtant, l’amour pour sa mère n’eut pas été entamé si elle avait pu danser et franchir le feu comme les autres filles et les autres gars. Elle le savait. Le père le savait. Mais les habitudes, les usages du village…
(…)
… elle regardait le bouquet fâné qu’elle n’avait pu se résoudre à jeter au feu. Pourquoi fallait-il que le bouquet de barbeaux s’en vint faillir aujourd’hui ?

La Saint Jean était la fête de l‘été nouveau, la fête des blés, celle des amoureux.
Et les barbeaux se taisaient, juste ce jour-là ?
(…)
Père, vous avez raison. Il faut des fleurs fraîches sur cette fenêtre. Je m’en vais cueillir une brassée de coquelicots. »

(in « Des yeux bleu barbeau » ou Céline de Bise)

Céline de Bise est la grande sœur … Dans « Jean de Bise » aussi, Anne Pierjean chantait l’été, et surtout ces rencontres de mots, de chants et de consciences que les soirées permettaient, après les hivers rudes, le travail harassant et la misère ambiante dans ces contrées…
Les temps, bien sûr, ont changé depuis ce 18 ème siècle dont ces deux livres parlent (il faudrait y ajouter « les trois louis d’or de Maria », où l’ombre de Mandrin se projette) : le message reste, d’humanité, de culture, de solidarité, d’évolution et de transmission …

De même, se redisent souvent la sensibilité de l’auteur au temps des moissons (je pense à « Paul et Louise » et ce passage d’anthologie de la moisson organisée par Paul, au clair de lune, au temps de la peine de Louise et de sa mère), sa foi dans les forces de la terre et des mots, l’image du blé qui lève, les travaux (« les corvées » paysannes) ensemble, les veillées fécondes, son attachement à l’ensemencement…

« Et la vie poursuivait ses tâches dans tout Pontchanu accablé de chaleur.
Mais le samedi soir et le dimanche après vêpres, les jardins du presbytère s’ouvrirent à des chansons qui n’étaient pas des cantiques, non plus des grivoiseries, et ce, sur l’initiative de Jeanne de Chervis.

-Quelle misère ! avait dit Diane au curé, les temps anciens nous laissèrent de si belles mélodies. (…)
Personne ici ne les sait et l’on y supplée par des gaudrioles, mal tournées, parfois vulgaires, qui égarent les enfants.
Sans compter encore qu’elles appauvrissaient une tradition orale laissée par les troubadours, et qui était, pour le peuple, sa mémoire collective, l’histoire de ses racines, un savoir qu’il ne fallait pas risquer de perdre.

– Les complaintes et les contes, poursuivait Diane de Chervis, les fables et les chansons, le récit des épopées, c’est toute la culture de ceux qui ne savent pas lire.

De plus, c’était beau, et Diane le sentait. (…). Les chansons et les légendes n’étaient bien souvent qu’une même protestation, une plainte née de la plainte, qui s’étire sur le temps jusqu’à fatiguer la plus longue des patiences.
(…)
Et peut-être pourrait-on, s’il y avait audience, élargir l’ensemble ?
Elle lisait les gazettes. Elle informerait les gens de ce qui se passait ailleurs. Elle serait une autre voix, plus renseignée, plus avertie (…) elle leur ouvrirait quelques échappées sur la vie d’autres provinces.(…)
Et puis le soir à la fraîche et sous les étoiles, ce serait superbe ! Nous laisserions grille ouverte, inviterions à entrer. Nous nous assiérions dans l’herbe. Nous partagerions une heure avec les gens et une émotion qu’ils aimeraient découvrir…
(…)
Déjà, tous les mois d’été, elle enseignait la lecture, les soins, la santé, les herbes, aidait le curé et Dame Alphonsine à visiter les malades, soigner les enfants (…)
A cela, elle voulait joindre un peu de musique, un peu de beauté et voire un peu d’inutile car elle sentait l’inutile sacré quelque part quand il était beau. Chanter serait bon à l’âme. Réciter aussi. (…)

La misère et la fatigue, elle n’avait garde de les oublier. Mais sait-on ce qu’on oublie, unissant les voix dans un même chœur ? Ce qu’on réconforte ? à quoi on accède ?
(…)
Alors, elle n’hésita plus.
On chanterait le samedi, aussi le dimanche.
Elle offrirait des galettes.
Déjà, elle cherchait les titres des chansons parmi cent cantates, mélopées, complaintes simples. Elle choisirait tout d’abord les airs du pays qui s’enfonçaient dans l’oubli. Les gens y puisaient leur rythme. Ils devaient revivre. »

(in « Jean de Bise »)

Et si , dans nos rencontres et ce qui les motive, nous nous inscrivions tout simplement dans cet élan de vie qui traverse les siècles ?

Prochain Rendez-vous de La Bastelle, le 21 juillet, pour tous ceux qui pourront !

Et une lecture dans le jardin en Juin ? à préciser !

 

Après notre rendez-vous de La Bastelle d’hier soir, 21 mai, un mot d’actualité :

Après soirée de La Bastelle… où l’on a savouré tant de mots de vie, intenses et gorgés d’émotion…

« Comprenez, ma mère, ce sont choses qui se donnent, et que l’on échange… » (dans « Jean de bise »)

« La crêpe était moelleuse. Elle sentait le miel, la fleur d’oranger, le beurre aiguisé de sel. Elle avait un goût d’enfance, de bonheur et d’amitié…
Annibal gonfla sa fourrure douce, cligna ses yeux verts et pensa que la vie était belle du moment qu’on la partageait.
Et c’était exactement ce que tous pensaient dans le même instant. » (dans « Cher M.Bégonia »)

« Ces instants intimes et pléniers (… )
Les souvenirs sont reçus de plein fouet.
(…) (dans  « l’instant exact »)

Merci à René, l’Editeur « Gaspard nocturne » pour ses mots, inscrits à la fin de « L’instant exact »: 
« les lumières restent à entretenir, elles sont toujours dirigées vers l’avenir (…)
Il me semble qu’Anne Pierjean par tous ses livres n’a cessé d’entretenir cette flamme qui seule importe , qui seule mérite la succession des vies et des morts.. Elle l’a fait avec un art admirable dans ces romans si proches de l’humain qu’ils prennent place à l’aube des lumières ou au crépuscule brutal de l’été 1914, ou encore aujourd’hui. Il faut les lire et les relire.
Marc Soriano (…) distinguait parmi les oeuvres contemporaines de littérature pour la jeunesse celle de Anne Pierjean comme « bien placée pour devenir classique ».
(…)
Aujourd’hui (…) une évidence vient traverser cette oeuvre : si nous retenons notre souffle, si nous pleurons et rions, lisant Paul et Louise ou Ecume, c’est qu’a lieu, dans l’instant, l’alchimie renouvelée de toute une vie, et pas seulement de tout un art. 
(…)
George Braque le disait : « avec l’âge, l’art et la vie ne font qu’un »
(Dans l’instant exact : après lire, du don des images à la naissance des mots)

Merci les amis

 

Edito de Mai 2023

Édito de mai,
Edito envolé…

L’édito de mai m’a échappé, envolé … Presqu’entièrement posé sur un papier, perdu, il n’avait que peu de choses à annoncer de l’actualité de l’association. Il parlait des derniers états d’avril et des tous premiers instants de mai, entre soleil, explosion des bourgeons, et nuages… de pensées au jardin, toutes occupées de printemps.

En ce mi-mai, il flotte dans ma tête, toujours pas transposé sur le site. Il reste imprécis et lointain …

Je me repenche sur l’absence actuelle de projets immédiats pour l’association, le soleil a disparu, il vente, il grisaille, il fraîchit… 

Pas de lecture prévue avant septembre…
Pourtant, au fil des ans,  nous avons fait moisson de jolis mots que nous aimons partager…
Pourtant la conviction demeure que le style d’Anne Pierjean passe le temps, ses thèmes aussi, qui brodent sur les réalités de la vie, où passé et avenir se confrontent au travers de peintures sociales et psychologiques pas si différentes que celles que nos présents nous offrent à penser :

Réalités des guerres, des différences, des caracolades de progrès qui insinuent parfois des misères nouvelles, des maltraitances, de la découverte de quartiers où le bonheur vacille, de la  solidarité à réinventer, de l’’eau qui se tarit et des savoirs des anciens qu’il faudra sans doute ré-apprivoiser…

 « Judith et l’eau vive », « Belle et Toni de nulle part », « un épouvantail pour Cathie et Marc » et autres livres Rouge et Or, pour les plus jeunes, m’étonnent par l’actualité -ou la pérennité – de leurs thèmes… Au travers d’intrigues et aventures qui peuvent paraître anodines, au premier regard, la vie des « héros » et d’une époque est abordée dans sa profondeur et la conscience de ce qui s’y joue en permanence.

A relire « Paul et Louise », « Loïse en sabots », « saute-caruche » ou  «le rosier blanc d’Aurélie », je retrouve les guerres qui font des trous, la découverte de la filiation et de la transmission, l’entêtement des hommes, les changements difficiles à opérer, les bouleversements intérieurs et les silences qui taraudent…

A relire les livres pour plus jeunes je retrouve les travailleurs déplacés qui charbonnent dans les forêts du Vercors, les sources qui s’assèchent, les villages qui se transforment, le désarroi des anciens qui ne trouvent plus leurs places, des enfants qui ont perdu racines et d’autres qui, entourés d’amour, découvrent les « manques » vitaux de proches incompréhensibles, secrètement malheureux … tout ce que l’humanité charrie comme les eaux d’un fleuve.

Il y aura bientôt le rendez-vous de la Bastelle où nous partageons nos découvertes et redécouvertes d’Anne Pierjean, tous les deux mois.
Ce sera le 21 à 18 H, comme d’habitude, au siège de l’association, et sans limite bien précises au-delà de 20 H, comme d’habitude aussi !

Nous aurions plaisir à voir de nouveaux convives, lecteurs ou curieux de découvrir ces écrits tellement riches et enrichissants, s’associer à ces petits bonheurs de l’instant et de toujours.

 

Anne

Edito de Avril 2023

Edito d’Avril 2023

Comme le cycle des saisons est rapide… arrive avril et ses merveilles au jardin… les caprices de mars ont préludé aux efflorescences d’avril…

Dans l’attente, je me suis amusée à relire mes éditos d’avril depuis le début de l’association, 2017 :
repères, ils m’apparaissent comme des « états généraux » du printemps inscrits dans le temps et j’ai vu se lever les souvenirs comme des bulles de savon au-dessus du jardin !

« La roue du temps tourne, impermanence et continuité se côtoient et s’animent bien ensemble » (avril 2022)

Celui d’ avril 17 m’évoque le mois de mars que nous venons de quitter… :

« A force d’ouvrir les yeux et de contempler à travers gouttes et giboulées, j’ai vu les premières feuilles dans le côteau !
Dans le pré piqueté de primevères, orchis, violettes et pervenches, le cerisier gonfle ses bougeons. A l’angle de la maison, le tulipier est auréolé de ses fleurs explosées, entre blanc et rose.

Printemps rebelle, râpeux, grognon, mais printemps !
Les trois becs ré-ajustent régulièrement leurs pentes blanches et les couchers de soleil sont  somptueux ces derniers soirs, ciels d’ardoise et doubles arcs-en-ciel sans modération, lumières crues d’entre averses… le pas à pas des jours qui nous amènent à Pâques. »

Continuer, brasser les émois, les traversées de saisons, les années qui s’ajoutent et mesurer, dans l’abstraction totale, le temps qui passe et se joue de nous, pétales de tulipiers jonchant le sol comme les paperoles envolées, brunies, brûlées ou conservées… Bruissements du temps.

Dans la répétition obsédante et légère des secondes, des minutes et des jours, vivre ce minuscule ébranlement à gauche de soi auquel nous sommes conviés… sans façon mais sans refus possible, en battements de cœur, uniques et inconscients de la vie qui s’écoule entre chacun…  de la vie sans retour qui s’égrène en permanence

Il y a longtemps Marie-Noëlle écrivait : nous ne serons plus jamais comme avant …
Et Anne Pierjean « nous ne repasserons pas par là »…

Bon avril… à déguster sans modération !

                                                                                                               *      

Edito de Mars 2023

Edito de mars

Un petit texte de presque printemps
Jasmin, Jasmine…
Jasmine,
sur mon doigt y’a la coccinelle
qui vient de la tulipe,
que je touche du pouce.

Vois,
derrière mon doigt y’a la tulipe,
derrière la tulipe y’a le prunier,
derrière le prunier y’a le pré,
derrière le pré y’a la forêt,
derrière la forêt y’a le monde…
Le monde au bout de mon doigt…
en passant par la tulipe,
par le prunier,
par le pré,
et par la forêt,
une coccinelle aux doigts,
Toi,
Moi.

A l’approche des bousculades de printemps, dans les rafales de vent froid et les flocons de neige égarés, je replonge dans les « Jasminotes », poèmes pour enfants, jamais édités mais aimés par les classes qui ont eu la chance de les lire.

Printemps des poètes, ronde des mots et des fêtes dans la tête, car les mots s’entourloupent à l’approche de l’équinoxe de mars… Dans l’attente, l’humeur en giboulées est légère et vagabonde, envalsée de projets qui verront peut-être le jour… ou peut-être pas ! à dessiner ensemble si le cœur vous en dit…

Nous en parlerons à l’AG de lundi !

Lundi, 6 mars, l’AG « tombe » sur le jour anniversaire de la naissance d’Anne Pierjean, par hasard ou presque !

Pas de lectures en vue… ça nous manque ! d’autant que certains attendent pour une captation de lecture … mais les mots ont leurs raisons ! pour les dire il faut qu’ils soient attendus, pour les dire bien il faut qu’ils soient entendus… ! qui nous attendra au détour du printemps ?

Une lecture, faudra-t-il en prévoir une dans le jardin aux beaux jours ?
Et laquelle ? personnellement, j’aurais bien envie de relire « des yeux bleu barbeaux » au temps des moissons et de la St Jean… reste un lieu à trouver pour ça!
Bien sûr, nous sommes toujours prêts à lire « Si je regarde par-dessus l’épaule de ma vie »… A bon entendeur … !

Quand nous ne lisons pas, d’autres rencontres de mots se trament… pour ma part, J’aborde à nouveau, à travers mes relectures d’archives, les contes et les « fantaisies », histoires courtes et parfois un peu mystérieuses, dont Anne Pierjean a jalonné ses pages. Je compulse au hasard, m’étonne de retrouvailles, classe et reclasse… archiviste fantaisiste, ouverte à tous les possibles, guidée par ce hasard « habité » auquel sans doute je tiens plus que tout car il m’a souvent conduite à des redécouvertes heureuses!

Elle semblait écrire partout et tout le temps ! lorsque le temps m’y emporte, je trouve des feuilles volantes, dispersées, des feuilles agrafées ensemble mais qui viennent parfois d’autres recueils désagrafés, des feuilles isolées dont les textes tronqués n’aboutissent pas … le morceau manquant réapparaîtra peut-être…

Les pièces du puzzle littéraire et graphique d’Anne Pierjean, interminable et interminé, invitent à une aventure où l’on peut se risquer de mille façons, pour le plaisir des mots, des images, des yeux parfois et du cœur !… et j’ai bien de la chance de pouvoir laisser aller mes pas dans ce sous-bois…  « le sol en est jonché, qu’on laisse… ».

En Février, les passeuses de mots ont lu Jean de Bise, des extraits bien sûr, à l’Atelier 8 : Lab-Oratoire de mots, à l’Eco-site de Eurre.

Elles ont bien lu, nos passeuses, conteuses et « ambassadeuses » (tiens, ça n’existerait pas !?), elles nous ont amenés vers l’émotion et les temps passés, vers Pontchanu… (tiens ça n’existerait pas ce village ?), en temps de sécheresse et de changements sociaux en sourdine (tiens, ça grondait, ça menaçait.. ça raillait, persifflait, souffrait, travaillait dur, apprenait, aimait, chantait, rêvait… )

Ce livre a été le dernier édité par Anne Pierjean. Il donne envie de lire ou relire, aussi, « les trois louis d’or de Maria »… Maria vivait non loin de là, et dans une période proche…

Le 21, nous vous espérons au Rendez-vous de La Bastelle, avec vos trouvailles de mots, les extraits que vous aurez piochés dans les livres d’Anne Pierjean et que vous aurez plaisir à partager ! Je vous fais confiance pour nous surprendre !

A très vite,

Anne

Edito de Février 2023

Février…
Un saut dans le temps avec  un extrait de « Les trois Louis d’Or de  Maria » :
Maria est à Pontchanu dans la maison des Valfond et son amoureux, Benoît, à Valence , à trois jours de marche, chez Noretti sur les bords du Rhône…

« Six mois.
Sans se voir une seule fois. (…)
Six mois.
On était en février 1755.
Il faisait un froid qui gelait les moineaux vifs sur le bord des branches.
Maria et sa patronne Aurélie, dans le coin de la fenêtre, avaient sous leurs pieds des chaufferettes de fonte au couvercle grillagé, pleines de braises rougeoyantes.
Et, de temps en temps, elles se penchaient pour désengourdir leurs doigts qui tiraient l’aiguille.
(…)
Comme une récréation, Aurélie disait souvent :
– Allons vers la cheminée. Respirons un peu de chaud. Et tu me reliras la dernière lettre de notre Benoît.
(…)
A Valence, la vie était plus mouvementée.
Et, ce matin-là –le 2 février 1755—Maître Noretti riait sur son seuil, droit devant sa porte, les mains au fond de ses poches, le nez fourré dans son col et son large feutre aux rebords ternis enfoncé sur ses oreilles.
– Fils ! dit-il soudain en ouvrant la porte, debout vivement ! le spectacle en vaut la peine !

Les « fils », Benoît et Joseph, couchés dans un coin de l’atelier derrière des rideaux,  sautèrent au plus vite au bas de leurs couches et s’alignèrent près de Maître Noretti.
– la porte ! cria Dame Noretti  depuis  sa cuisine sise au fond de l’atelier.
La porte se referma, vivement claquée par les deux garçons.
– regardez-moi ça ! clama le verrier

De mémoire de Noretti, on n’avait jamais contemplé chose pareille. Le Rhône était gelé..
Pris totalement au niveau de la terrasse du couvent des capucins. Et, sur cette glace, une file de bœufs arrivait du Vivarais, conduite par des bouchers. Des femmes suivaient avec leurs paniers d’œufs et de légumes qu’elles voulaient vendre en ville. Et tout le monde traversait le Rhône à pied sec ! ».

Cet extrait, tiré du livre « Les trois louis d’or de Maria », où l’on croise Mandrin, nous offre une incursion bien dépaysante dans notre histoire.
Nos quelques giboulées de flocons fin janvier et les températures actuelles sont encore loin du compte…(du conte ?).

Janvier a été animé pour l’association :

Deux lectures offertes de « Si je regarde par-dessus l‘épaule de ma vie … » :

A la médiathèque d’Aouste , nous avons inauguré une lecture d’extraits plus longs, accompagnée par Syfax, guitariste, qui nous a fait le cadeau d’improvisations douces et ajustées avec délicatesse aux mots de l’auteure.

La  petite bibliothèque de Montvendre  nous avait invités à une  participation aux nuits de la lecture qui s’inauguraient ce soir-là. Dans un cadre très intimiste,  nous avons dédié notre lecture à Christian Bobin, hommage dans l’hommage qui lui était rendu dans de nombreux lieux au niveau national.
La discussion chaleureuse, intéressée et « découvrante » a largement compensé le petit nombre de spectateurs !
Peut-être recommencerons-nous « chez l’habitant », l’idée a été émise et fera sans doute son chemin.

Une nouvelle expérience a été d’offrir un moment de lecture au foyer Louise Vallon devant quelques anciens :
lecture à deux voix de passages de manuscrits inédits *  : autour des mémées et pépés conteurs du temps de l’enfance d’Anne Pierjean en Drôme des collines.

Là aussi, la discussion après lecture a été émouvante.
Nous renouvellerons ces moments avec grand plaisir. RDV est pris!
* extraits de « Une enfance contée » et « Anne des collines » (des textes à retrouver sur le site).

Puis, la soirée de La Bastelle, le 21, a été l’occasion de fêter tout à la fois  la lecture, Anne Pierjean, Christian Bobin et… le Nouvel An lunaire !:
après les lectures de citations-hommages à Bobin et l’échange des sensations éprouvées à le lire, nous avons surfé sur le « coup de cœur-lecture» apporté par l’une d’entre nous : le livre jeunesse d’Anne pierjean « Un épouvantail pour Cathie et Marc ».

La lecture à voix haute du début s’est enchaînée (et déchaînée, ce soir-là !), de manière improvisée, chacun passant joyeusement le relais à son voisin ! : ce fut la (re)découverte d’un texte alerte, très vivant, rapide et drôle, qui nous a « embarqués » par sa surenchère de situations comiques, visuelles, proches de l’âge des enfants auxquels le livre s’adresse, ne laissant jamais retomber ses effets. Une écriture légère, et inventive, pleine d’humour de situation, d’observations fines et de tendresse.

Le rire et les souvenirs d’enfances que le texte réveillait en chacun se sont donc invités à la soirée pour se prolonger autour de la table !

Des projets pour Février : une lecture de l’Atelier Passeurs de mots est prévue le 22 février à 19 H à l’Atelier 8  (géré par l’Association Fusain Rouge) 

 Le 6 mars, l’AG permettra de faire le bilan annuel de l’Association et de discuter agréablement des projets !
Information à suivre !

A très vite !