La vocation de l’Association Anne Pierjean, les mots et le jardin, est de faire vivre l’écriture d’ Anne Pierjean, de la faire connaître et valoriser, de continuer à la diffuser à travers la publication de manuscrits inédits et la ré-édition de certains de ses livres… comme de soutenir toute action ou expression artistique autour de cette écriture.
Anne Pierjean était de St Avit et de Crest. Son oeuvre a mis en scène des personnages et des lieux d’ici, très enracinée dans la vie en Drôme des Collines, en Vercors et en Dauphiné.
Mais son écriture va bien au-delà du témoignage et de la description de la vie dans nos villages ou d’une époque. Nous souhaitons continuer à lui faire écho.
Elle a eu une place très reconnue dans la littérature enfantine des années 70-90.
Ses publications pour enfants et adolescents peuvent se lire à l’âge adulte et ses dernières parutions (L’Instant exact en 2002 et La sente terminière, posthume, en 2010) leur sont adressées.
Elle portait haut l’exigence d’une belle écriture, riche, noble et travaillée, ciselée même, destinée à rejoindre la richesse émotionnelle et la psychologie des enfants, qu’elle a profondément aimés et reconnus dans leurs besoins fondamentaux, au cours de sa vie d’enseignante, de femme et d’auteur.
Continuant tout au long de sa vie les échanges avec les classes, primaires et secondaires, bibliothèques, médiathèques, responsables d’enfance, les partages engagés avec les femmes dans leurs difficultés d’être, et les accompagnements de proches et d’anciens dans leur dernier parcours de vie, elle a habité intensément le vivre, offrant sa voix et ses capacités de dire et d’écrire.
A travers édition de livres, textes, articles et poésies, échanges pédagogiques, partages actifs et constants, correspondance fervente, engagements pour la cause des enfants et auprès des femmes, réflexion sur l’écriture et accompagnement des enfants et des personnes, elle était consciente de son sillon à creuser pour que la vie de chacun ait un sens au recul de l’histoire et des temps.
Elle s’est vécue comme maillon d’une chaîne, habitée par la nécessité de transmettre.
Notre Association s’inscrit dans l’axe de cette exigence de vie et des résonances simplement sensibles, conscientes et humaines que ses mots ont portées.
Son agir et sa présence se sont déclinés de multiples façons et en de multiples rencontres.
Nous nous inscrivons dans le désir de poursuivre la transmission de son écriture, de son engagement humain et de sa recherche.
Anne Grangeon
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Voici une de ces dernières lettres, adressée à ses lecteurs dans les derniers mois de sa vie à l'occasion de la parution de l'Instant exact, comme un remerciement. Chers amis
« J’ai tellement de choses à vous conter…
Tout un concours de circonstances me met de nouveau sur la sellette (ce qui, vu mon âge, ne saurait aller loin !). J’ai été amenée à donner de mes textes pour adultes à cette édition régionale (Gaspard Nocturne) car, comme toutes ces sortes d’éditions à vocation artistique (et humaine entre auteur, éditeurs et lecteurs) ils vivent sur la corde-raide, toujours en passe de chute et au cours de rencontres lors de fêtes du livre j’ai pu les apprécier.
J’avais gardé le courrier avec les lecteurs et renoncé à l’édition… et me voilà, par sympathie, devenue Anne Pierjean-Robert, pour que les jeunes ne s’y trompent pas (je demeure pour eux Anne Pierjean).
Donc, les éditions Gaspard Nocturne ont publié leur 24 ième iRouge, tout consacré à moi, et cela (cette mutation de Anne Pierjean en Anne Pierjean-Robert, Robert est mon nom de jeune fille) a soulevé un mouvement médiatique qui m’a beaucoup émue. Et aussi des réactions qui m’ont fait sentir à quel point j’étais encore dans le coeur de mes lecteurs . Au dernier âge advenu , c’est un puissant réconfort et une aide à vivre indicible.
Le titre est « L’instant Exact »
Vous avez lu et travaillé avec Anne Pierjean et je vous en remercie de tout coeur. Je suis heureuse de penser que mes livres pour les jeunes ont été reconnus en leur temps et ont laissé trace dans les mémoires.
A l’âge où l’on vit beaucoup de souvenirs (et pour moi encore d’écriture, qui m’est souffle) c’est une force douce que je ne saurais exprimer mais qui est et me porte.
J’espère que L’Instant Exact ne vous décevra pas, vous qui me connaissez de si longue date.
Les Marika, Nane, David, Sylvie et les autres ne grandissent pas. Et je me demande si la plume qui les a mis au monde a le droit de grandir…? Peut-être attend-on toujours de moi des histoires d’enfance ? Mais mes premiers lecteurs sont depuis longtemps adultes, alors je pense qu’ils me « retrouveront » dans ma tendresse et mes cadences et mon amour des choses de la vie.
Grâce à vous, votre confiance, votre amitié, j’ai écrit.
Je vous remercie »
Anne Pierjean-Robert fin octobre 2002
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L’INSTANT EXACT
Ce livre est arrivé au bout de sa route en une écriture épurée, poétique, pour évoquer, comme à une assemblée du soir, feutrée et confiante, les temps de son enfance puis de sa vie de femme et le temps de son présent, en observations intenses et vives, en récits pudiques et donnés, presque murmurés, presque confidences, où les émotions s’émaillent à tous les éveils et à la sensualité, au plus près de l’humain et de la nature. L’écriture a jalonné son parcours dans la vie comme dans la littérature, mêlée à tout, et la langue est devenue sienne, ciselée et simple. Elle nous invite à un festin : images kaléidoscopes, instants de vie resurgis et aboutis en écume, au ressac de ses souvenirs, mis en textes courts et incisifs comme bouchées rondes à déguster. Elle nous fait participer à son art, au pas des jours, nous offre son style en mouvements intimes, sa présence intemporelle et exacte, si touchante.
Anne Pierjean-Robert nous a quittés en quelques jours fragiles, en ce début d’année 2003, depuis longtemps funambule sur un fil de Joie, le fil de son goût et de son bonheur d’être, après un temps très rempli de paroles authentiques, données inconditionnellement, passionnément, après un foisonnement de vie et de créativité plurielle qu’elle continue très certainement de festonner à l’infini…
Anne Grangeon, sa fille, fin janvier 2003