Edito de Novembre 2023

Edito en partance
Je m’envole bientôt, vers l’orient… pour une retraite de deux mois et demi, légère en bagages, curieuse, méditative  et zen, j’espère… en route vers une immersion intense dans la vie autrement parfumée, langagée, scandée, vers l’humidité d’un climat sub-tropical, peut-être d’autres brumes, et le frôlement, au jour le jour, d’autres au-delà, d’autres histoires et coutumes… Découvertes en perspectives d’un temps différent pour passer novembre et décembre…

Durant ce temps, l’association vivra sa vie : l’Atelier Passeurs de mots présentera une lecture à la médiathèque d’Aouste, le 10 novembre à 18 H : des extraits choisis, travaillés, aimés, de « Jean de Bise », dernier livre jeunesse édité par Anne Pierjean.

Je fais confiance à ceux de l’association qui veilleront et agiront en mon absence pour ne pas rester les deux pieds dans le même sabot, comme auraient pu dire Paul ou Louise, ou la Thilda de Jean de Bise ! Ils ont carte blanche, ils le savent !

Dans notre actualité : Le livre « Si je regarde par-dessus l’épaule de ma vie » a été ré-imprimé. La route continue pour ce beau recueil et ces beaux textes…  

Une belle rencontre m’a été offerte le 28 octobre lors du Salon de la petite édition à Crest, dans la galerie Espace Liberté : j’ai retrouvé l’ami Gaspard Nocturne, l’éditeur de « l’instant exact » et de « la sente terminière » :
Contrairement à ce que je croyais, ces deux titres sont encore disponibles ! il suffit de les demander à un libraire qui peut les commander à l’éditeur.

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« je vais, je vis » écrivait sur tous les tons Anne Pierjean : dans ses notes, ses lettres, dans ses dessins comme des enluminures, dans les encres qu’elle expérimentait, dans les broderies qui, parfois, prenaient à ses mains le relai des mots de stylo, et les enchâssaient dans des toiles en abécédaires colorés et virevoltants …

Les mots appellent les mots, le souffle en bandoulière, je poursuis : les archives sans cesse recompulsées, familières et chaudes de sensations et d’émotions tissées, poursuivent leurs vibrations. Recueillies dans les plis des histoires d’Anne Pierjean, dans les échos des contes qui l’ont construite, au creux des témoignages qu’elle a saisis et répercutés…
Ce levain vit, va…

Nourries par nos rencontres, les ondes en cercle s’élargissent, nous les percevons et considérons, encore émerveillés de nos découvertes incessantes…  Il y aura peut-être d’autres moissons à partager, que 2024 construira, élaborera, inventera, tentera, offrira…

2023 appelle 2024, je saute pour la première fois par-dessus novembre et décembre, ces mois en écharpes de nuages et froidures inconstantes…   et serai là pour le 1er rdv de la Bastelle, le 21 janvier, alors que la lumière regrandira aux jours.
Dès maintenant RDV est pris !

Chaque rendez-vous de La Bastelle réactive nos envies, nos idées, notre énergie.
A chaque rendez-vous, chacun amène sa découverte, son coup de cœur et lit un passage d’Anne Pierjean.
Peu à peu les découvertes des uns enrichissent l’univers des autres, donnent envie de lire ce que l’on n’a pas encore abordé… ou de revenir à des passages oubliés.
C’est la vertu du partage, des regards pluriels portés sur les mêmes œuvres qui les font s’animer, à la fois autrement et mêmement…

Les mots d’Anne Pierjean ont ce secret : on ne se lasse pas de les recevoir, de les lire, de les redécouvrir, comme un chemin aimé où l’on aime se promener et que l’on retrouve avec la même émotion chaque fois, miraculeusement, inexplicablement…

Notre dernière rencontre de la Bastelle, décalée au 21 octobre, a eu un air de magie !
Sans se concerter, les participants avaient choisi des passages qui s’enchaînaient, se répondaient, se complétaient comme si on l’avait calculé ! Ils sortaient pourtant de livres très variés : « L’innocente », puis le conte du « loup marié » (non édité), le début de « Nane et l’ami Mathieu », un extrait de « l’instant exact », rarement choisi, et le texte « la soupe » (tiré de « Une enfance contée » et d’une lettre à St Avit) …
… Le tout précédant des bolées de soupe d’automne, auprès du premier feu de bois de la saison.

Un air de magie, un air de veillée… un air d’amitié.

Pour vous, en cadeau d’automne : tapis rouge,
écrit en juillet 99 mais évident prélude au vécu heureux de l’automne où se profilent le carmin des feuilles aux vignes et cerisiers du jardin, et une sérénité somptueuse d’avancée dans la vieillesse.

Foisonnement furtif de voluptés paisibles,
d’intensités si chaudes, de résonances si nombreuses
que le moindre silence au pré est fête.
Sanctifié. Ébloui de couleurs. Bourdonnant de musiques.

Que j’aurai aimé cet été indérangé
dans la maison et le jardin,
les courbes qui s’y créent
le repos qui m’imprègne,
cet envol si sensuel de mots affleurants,
subtils et libres…
Juste essaim vif autour du liseron, de l’abricot,
de l’errance d’une pensée qui cherche place exacte et indolore.

Le soir est si palpable que j’en ferme un instant les yeux,
le corps annulé de fatigue,
envahie d’un bon être essentiel.

Incandescence.
Aussitôt donnée, elle est bue.
Forces offertes d’avant le porche…
Inconnues, évidentes…

Que j’aurai aimé cette vieillesse au Tapis Rouge,
sa clarté attentive
et sa lenteur urgente.

AP, Crest juillet 1999