Edito de juin 2022

Je sais que La Bastelle est heureuse d’accueillir des moments comme celui qui était inscrit dans le calendrier au 21 mai comme « Rendez-vous de La Bastelle ».

Je le sais, intimement, comme je sais que mes mains sont heureuses de transmettre les mets et les textes qui font l’accueil.

Merci de me tendre la main pour ces partages, chaque fois chaleureux et riches.

Me vient en mémoire un texte d’Anne Pierjean qui évoque les gestes des aïeules, leurs mains « en poignets bleus » pétrissant une pâte dans un même mouvement, « au recul du temps »…

Je ne retrouve pas ce texte, qui me reste comme la perspective d’une image répercutée à l’infini comme dans un jeu de miroir… sans doute un passage inclus dans un autre,  ou confondu, dans mon esprit, avec un autre, retrouvé lui mais où je ne dégote pas ce passage. Il ressurgira en son temps !

En revanche, dans ma recherche, je retrouve un écrit de 1941 qui commence par la Fête d’une Grand-mère.
Cette page concernant la Fête de Mamée trouvée le jour de la Fête des mères… signe encore de cette enfilade du temps ?… Je le transcris !

« Une rose rouge, ce n’était pas grand-chose à offrir pour la fête de Mamée, surtout quand cette rose, balancée le long du chemin au rythme de la course, avait subitement perdu la tête, une lourde tête veloutée qu’il faudrait, maintenant, récupérer dans une flaque.

Et Chris considéra la grosse tige épinue, privée de feuilles depuis longtemps, et de tête en cette minute.
Puis il se pencha sur la flaque, cueillit la rose par un sépale, la secoua et essaya de la rajuster sur sa tige -pour voir seulement : on ne ressoude pas les roses !-  elle s’y incrusta bien et il en eut satisfaction : elle était bien cassée!
Néanmoins, il jeta la queue dans la flaque et repartit en sifflotant, la rose posée dans sa paume ouverte.
La rose était belle au centre mais le bord s’était fripé dans la chute. On eut dit une vieille rose oubliée au fond d’une poche ! non, vraiment, ce n’était pas grand chose à offrir à une grand-mère.
Mais elle sentait bon.
Et puis, l’intention faisait tout, Mamée le répétait toujours. Alors Chris gonfla la poitrine, serra sa main tiède autour de la rose qui menaçait de s’échapper et galopa comme un cabri.

La clairière était zébrée de soleil mais fraîche encore de la pluie du matin. Chris, au passage, secouait les rameaux pour recevoir une douche tiède, puis il s’ébrouait, repartait sans oublier de rire.
Il se souvenait bien des ordres de Mamée, « ne mets pas tes pieds dans les flaques », et les avait toutes évitées. Mais les douches des branches étaient bien autre chose : cent gouttes d’arc-en-ciel dans un soleil qui chauffait bien.
Son poing fermé sentait bon de la rose.
Et il l’ouvrit pour y plonger le nez.
Horreur ! la pauvre rose était maintenant cuite.
Une rose cuite et l’intention ?

L’intention suffirait : il jeta la rose abîmée et recommença à courir, scandant le bruit de ses pas d’une chanson aussi légère que sa tendresse : »Bonne Fête Mamée, mamée, maminouche… « .
Sa voix montait, ses pas sonnaient, il courait maintenant à perdre haleine, impatient de voir sa grand-mère.
Et, dans le tournant du chemin, il devina sa pélerine, ses sabots et son bâton de houx.
A bout de souffle et muet de tendresse, il se jeta sur elle, le visage perdu dans le doux fichu tiède.

– Mon bandit ! répétait Mamée… Ne me renverse pas voyons !
Puis glissant le doigt entre col et peau :
– tu es mouillé de chaud. Et tes cheveux sont tout trempés…. Mais Mamée n’épilogua pas, elle ignorait les reproches en litanies et elle plissa le nez, déjà plissé au maximum :
– quel bon vent t’amène, mon Chris ?
– Bonne Fête, Mamée.

Il raconta la rose.
Elle mit son nez dans la paume tiède et y respira l’intention jusqu’à en perdre ses lunettes ».

                                                                         ***

Le joli mois de Mai  achevé, le continuant dans « la marche du temps » (une expression chère à Anne Pierjean) Juin nous offre la perspective de quelques pages de lectures à partager  :
nous retrouverons St Avit avec plaisir, sa salle des Quatre saisons à la bibliothèque, le 4 juin, pour le Conte « Des yeux bleu barbeau » ou l’histoire de Céline de Bise.

Puis Eurre, Lectures au jardin, le 10 : « Si je regarde par-dessus l’épaule de ma vie »
et Allex, le 11 à la Bibliothèque: « des yeux bleu barbeau ».

Merci très sincèrement à Claudine Delaine et Jean-Pierre Tourraton qui s’investissent fidèlement, amicalement et intensément dans ces lectures.

Le prochain Rendez-vous de la Bastelle sera le 21 juillet.

L’atelier de lecture à voix haute se poursuit joyeusement et avec sérieux :  3 séances en Juin : les 1er, 15 et 29, animées par Claudine, avant la pause de l’été.
Il reprendra en septembre.

Bon mois de Juin

J’espère vous croiser lors des prochaines lectures ! et compte sur vous pour faire circuler les infos !

 

 

« je ressens toujours la même émotion à la lecture de ces mots, de ce genre d’émotion qui vous donnent un direct au plexus ! » (Alain)

 

actualités de la mi-mai !
La lecture chez Rina a eu lieu, dimanche 15 mai, devant un petit public qui ne connaissait pas Anne Pierjean et nous a écoutés, parfois les yeux clos... "pour entendre la musique des voix et des mots", nous a dit Océane.

Rina, elle, connaissait Anne Pierjean, rencontrées autrefois lors d'un salon du livre, et m'a encouragée à créer l'association au moment où je cherchais comment faire écho à l'écriture d'une auteure qui, en tant qu'auteure et mère, me laissait de foisonnantes archives, dont je mesurais pleinement qu'elles recélaient des trésors !

aujourd'hui , elle  nous accueille chaleureusement et souligne le chemin parcouru, le bonheur du livre publié l'an dernier et les lectures qui se profilent.



Une nouvelle date s'est placée depuis le dernier édito le 4 juin : nous aurons le plaisir de lire "Des yeux bleu barbeau" à St Avit, village d'enfance de l'auteur, dont la bibliothèque porte le nom. Nous y avons été plusieurs fois accueillis.

Ce sera la primeure de ce conte, découvert un jour, mêlé à d'autres manuscrits non édités... 
Lorsque j'ai ouvert la chemise cartonnée orange, délavée, qui contenait le texte, j'ai craint que les trois chapitres, hâtivement feuilletés, soient le début d'un texte inachevé. 
Le lisant avec l'anxiété de rester en suspens, j'ai eu le bonheur de découvrir que ces trois chapitres étaient un tout. 
le texte, bien achevé, ressemblait à un conte.. et ce conte reprenait l'histoire du héros du dernier livre d'Anne Pierjean publié : "Jean de Bise"... pour moi, sans savoir pourquoi, il était évident que ce texte  devait d'abord être offert en lecture à St Avit! 
Année 1750, Céline, qui n'a que 14 ans, élève Jeantou, 2 ans...Jean de Bise. 
Elle remplace au quotidien la mère morte en couches.  Le père et le Grand-père l'entourent avec tendresse. 
Un jour, un mystérieux bouquet de barbeaux (c'est ainsi qu'on  nommait les bleuets) apparaît sur la fenêtre de la maison.
Durant une année, les bouquets seront tout aussi mystérieusement remplacés, sitôt fanés, par une main que personne ne surprendra...
la présence renouvelée des fleurs, au fil des quatre saisons suivantes, va adoucir les peines et réveiller des rêves, entretenir en chacun des pensées, espoirs secrets ou rappels de l'histoire qui se transmet...   

comme toujours chez Anne Pierjean, l'émotion nous est offerte en filigrane, par touches sensibles, impalpables mais opérantes !

rappel des futures dates sur notre calendrier : 
Le 21 mai : Rendez-vous de la Bastelle de 18 à 20H : échanges d'émotions et d'impressions de lectures d'Anne Pierjean, partage du verre de l'amitié.

Le 4 juin 17H "Si je regarde par-dessus l'épaule de ma vie" à la bibliothèque de St Avit. 
Le 10 juin, nous participerons à une soirée de "lectures au jardin" à Eurre. entre 17H30 et 20H30 avec "Si je regarde par-dessus l'épaule de ma vie".
Le 11 Juin nous relirons  "Des yeux bleu barbeau" à la Bibliothèque d'Allex, à 17 H.