Edito de Novembre 2020

Octobre et novembre au jardin et aux mots

Ce jardin, c’est sûr, est une invite permanente à la méditation ! à moins que ce ne soit une invite à la méditation permanente !…

 une explication à l’absence d’édito récent !

Le jardin et les mots m’ont retenue.
Je suis, infatigablement, osbtinément, dans les pensées et les mots d’Anne Pierjean, ma mère, qui nous a fait ce cadeau inestimable d’écrits … ceux , au-delà des publiés, qu’elle a choisi de ne pas brûler et de nous transmettre.

Je suis dans le jardin, les fleurs et « le vert à chaque fenêtre » de cet automne radieux comme dans les mots et pensées qu’elle n’a pas eu le temps ou l’énergie de classer mais nous a laissés dans un « bloc-notes éparpillé ».

Occupée, concernée, étonnée, émue, bouleversée, rejointe… Cet automne me donne encore le La pour poursuivre une composition d’Elle, une gerbe, un bouquet sauvage ou une corbeille à offrir pour l’anniversaire des cent ans de sa naissance : Mars 2021.

Je suis dans ses mots… dans la composition des blocs-notes éparpillés, comme elle en avait l’espoir.

Je vous donne une idée de la moisson d’automne que j’engrange : Quelques mots, phrases, pensées pour préparer, amorcer, esquisser, vous faire partager le plaisir que je trouve à cette arrière-saison.

Ils viennent de 3 pages isolées par Anne Pierjean, sans doute tirées (mais je n’en suis pas sûre) de ce qui a contribué au manuscrit « Marie, les mots et le jardin » (7 fois remanié et jamais proposé à l’édition car elle ne l’estimait pas prêt) :

« Marie n’avait pas le temps d’y penser (…) comme pressée soudain d’une urgence imparable, elle avait réfléchi, pensé et mis en mots, à des cadences effrayantes : des bloc-notes et des poèmes, des cahiers et des feuilles qu’elle perdait et jetait, qu’elle ne relisait pas, des pluies, des averses de mots, des tornades et des cyclones dans de grands balancers cautérisants, berceurs, dont elle avait pleuré en larmes.

(…)
Des pensées, des pensées, des mots, des mots – nés peut-être depuis toujours-  qui s’échappaient en vrac, en troupeaux, en essaims, multicolores et triomphants, saoulés de leurs cadences libres, imparables, inarrêtables.

On cesse de pleurer mais cesse-t-on les mots ? Elle ne les quittait plus, essayant de trouver une reine aux essaims, un berger au troupeau, une synthèse au vrac.
(…)

Comment les mots auraient-ils pu cesser ? Leur apprivoisement demanderait cent vies.
Elle ne pouvait que les poursuivre incessamment dans les limites de la sienne.

Alors, elle avait fait ce que l’on fait des mots, de longues lettres aux enfants, aux amis puis aux enfants encore.
Puis, quelques contes.
Puis quelques manuscrits jetés au feu… parce qu’ils étaient trop elle et trop grandeur nature de sa vie…
Puis quelques livres publiés.
Et toujours ses blocs-notes et ses cahiers volants qu’elle entassait, puis qu’elle jetait en bloc sans les revoir, juste festins qui laisseraient, dans sa tête et dans ses oreilles, des appels germinaux, juste appeaux pour d’autres envols…
… et des appeaux d’appeaux d’appeaux, pour pages volantes et perdues, inlassablement revenues sous d’autres aspects, d’autres phrases (tant les mots essentiels, étouffant tous les autres, ont des pouvoirs de revenir sous des formes de plus en plus parachevées et proches de l’idée entrevue),
comme si tout s’effectuait par de minuscules clivages que l’on croit chacun abouti parce que le regard en est là, que l’oreille en est là aussi,

et puis l’infime avance du regard, le recul de l’oreille et le clivage nécessaire à l’infime avance du mot –et l’imprécisable importance des temps morts entre les clivages…

Et la ciselure obstinée qu’il faut pourtant figer un jour mais ciselable encore au-delà du regard –au-delà de l’oreille aussi– en des ultra-sons audibles qui sont peut-être le seul lien, le seul courant qui passe. »

 

Ce long passage pour vous indiquer où j’en suis, concernée, émue, résonante, regard et oreille tendus, dans la perspective précise de vous offrir, au printemps, l’utra-son de ses mots et le chemin de sa vie, car, dispersé et fougueux, « le torrent » des mots de Marie  a trouvé la plaine …