Edito de Novembre 2018

Edito de Novembre 2018

Paul « a fait » la guerre de 14, il en est revenu. Il a épousé, Louise son amour de jeunesse. L’itinéraire de son long périple du côté des Dardanelles était encore épinglé à l’intérieur de la porte haute du buffet, peint en blanc, qui sentait bon le gros pain qu’on y gardait dans des torchons de toile rude.

Il le regardait sans doute, parfois, n’en parlait jamais… c’était toujours sous nos yeux quand on prenait une tasse dans le buffet, familier et mystérieux pour moi… un trait autour d’un dessin qui figurait la mer… parfois des zones en pointillés, des noms inconnus…

Jusqu’à sa mort, il a salué le poilu du monument, tous les matins, en sortant de son jardin… un voisin me l’a encore dit, il y a peu… soulevait-il sa casquette ? parlait-il un peu avec lui ? le regardait-il seulement d’un œil fraternel ? fleurissait-il parfois la statue… Sans doute un peu de tout cela, des années durant, fidèlement, respectueusement.

Pépé Paul est mort un 11 novembre… clin d’œil au temps.
Echo de son silence sur cette drôle de guerre qu’il n’a jamais évoquée avec moi … mais je savais qu’elle était là, en lui.

Ce temps de commémoration résonne en éclats de cloches, éclats d’obus… tocsin et glas..

Anne,  Novembre 2018

 

« Et la guerre, juste à l’heure où l’on entreprend de vivre ?
Ce serait trop bête.
Ce serait si bête qu’il ne le concevait pas.

Le trop-bête était le fouet, le mors, l’étrivière qui corrigeaient le cheval quand il s’emballait. Le monde, quand même, n’était pas plus sot qu’un cheval mis au labour ! Peut-être qu’il s’emballait, mais il comprendrait, redresserait à temps, il n’irait pas jusqu’au trop-bête, il en aurait honte.

Pourtant, des guerres, il y en avait eu…
Les siècles en étaient remplis…
70 n’était pas loin avec sa rancune vive, mal lavée, mal affranchie.
Et les guerres se harponnent au-dessus du temps. On les croit chassées, mais, mine de rien, un invisible maillon reste là à se construire, à se ressouder, et puis un jour il est là, on le voit et il menace.

(…)

..la guerre restait là comme un chasseur à l’affût qui a tout son temps, assuré qu’il est de bien canarder sa grive dans l’innocence d’une heure. Et le fin collier des jours qu’était la vie de l’oiseau se romprait soudain …
Ces perles perdues dans le sang figé…
Gilles en avait froid aux veines. »

………

« Le curé sonna les cloches pour Gilles et Génie. Il les sonna sans mesure, il y en avait pour la mort, il y en avait pour la vie, toute cette vie avant, et cette misère bête qui s’y était ajoutée par la faute des vivants, comme si l’autre misère qui tombe imparable ne suffisait pas à gâcher le monde. »

……..

« – Pourquoi tu fais pas la robe aux bleuets ?
– C’est le deuil, Jacquou.…

Les petits avaient 7 ans maintenant, ne comprenaient toujours pas. La mort, passe encore, c’était une absence. Mais le noir ? Pourquoi le noir? C’était déjà pas si gai de perdre les gens !… et la guerre était finie depuis trois années et leur mère était en noir comme si la guerre n’était pas finie pour elle »

(…)
Extraits de « Loïse en sabots »

 

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PS En Octobre,  il y a eu une lecture à la Bibliothèque d’Allex :

et une belle rencontre, les échanges ont été riches en émotions.

Extraits de Textes mêlés:  pour enfants et adultes , « Steve et le chien Sorcier », « l’instant Exact » et « La sente terminière »,  passages inédits de « Anne des Collines ».