Edito de Avril 2018

 

L’Edito d’Anne

Edito d’Avril 

A force d’ouvrir les yeux et de contempler à travers gouttes et giboulées, j’ai vu les premières feuilles dans le côteau !

Dans le pré piqueté de primevères, orchis, violettes et pervenches, le cerisier gonfle ses bougeons. A l’angle de la maison, le tulipier est auréolé de ses fleurs explosées, entre blanc et rose.

Printemps rebelle, râpeux, grognon, mais printemps !

Les trois becs ré-ajustent régulièrement leurs pentes blanches et les couchers de soleil sont  somptueux ces derniers soirs, ciels d’ardoise et doubles arcs-en-ciel sans modération, lumières crues d’entre averses… le pas à pas des jours qui nous amènent à Pâques.

« Le temps, comme la vie, sont remplis d’intersignes, si on perçoit le temps, si l’on perçoit la vie.
Comme tous ceux qui me précédent, je resterai inscrite dans le Temps et la Vie.
Douceur de le redire aux miens. » (Anne Pierjean, 22.10.1998)

Des nouvelles de l’Association :

Le Documentaire que prépare Jacques Mouriquand, Vidéos du Val de Drôme, l’a conduit à m’accompagner à St Avit pour une rencontre avec les anciens : à l’écoute des gestes d’antan et de la vie du village dans l’enfance et la jeunesse d’Anne Pierjean, et m’a conduite à évoquer des souvenirs de cette Maman  -enfant de St Avit, institutrice, écrivaine, artiste-  comme à ouvrir les albums photos.

Le 6 avril, à 20 H aura lieu une lecture à la Médiathèque de Montoison. Au programme, des extraits de « Jean de Bise », une lecture théâtralisée de « Le rosier blanc d’Aurélie » et des passages d’inédits (« une enfance contée » et « Anne des collines »). Je lirai en compagnie de Christine Mallet (Compagnie Zazie7).

Nous cheminons dans la préparation de la soirée du 15 juin. Nous ? une pluralité de lectrices et lecteurs qui, pour certains, découvrent Anne Pierjean.
La soirée se compose autour du thème de l’année : Ensemencement, en semant, semant …

« … en semant seront » a ajouté Anne Pierjean sur un autre papier.

Les textes choisis établiront un parallèle entre « Le temps de Julie »  et « Loïse en sabots », autour de la vie, de l’amour et du désir, malgré « les trous » que font les guerres … Ces beaux textes évoquent la maternité, la résistance, la peine et les drames des jours comme l’envol des possibles dans la vie recommencée, continuée.

Dans l’oeuvre d’Anne Pierjean, les maîtres mots s’articulent autour du goût de vivre et de la transmission mais ne font pas l’impasse sur les drames de l’histoire.

« Au fil des ans, si je regarde par dessus l’épaule de ma vie… » écrivait-elle…

« Le temps de Julie » est le livre (édité) qui, elle l’écrit, parle le plus d’elle :

« Non seulement, « Julie a été chargée de dire la guerre de 40 mais c’est elle à qui j’ai confié la joie de faire un enfant »

(…) « Je ne donne pas à vivre les faits de ma vie à mes personnages. Ils me viennent je ne sais comment, dans leur décor à eux. Mais ils puisent dans mes émotions pour vivre.

Or mes émotions, à cette époque, avaient été si dures que je les avais enfouies : je ne pouvais pas les repenser. Cela m’aurait rendue malade. J’étais bloquée vis-à-vis d’eux. Jusqu’à ce que j’écrive cette histoire. Même mes personnages avaient du mal à y puiser parce que, 40 ans après, c’était toujours bloqué. J’ai écrit la première partie en un mois, la deuxième a traîné 4 ans.

(…) les choses évoquées se sont cent fois passées mais pas dans les lieux du roman. J’ai donc inventé des noms. (…) je n’ai pas pu faire vivre à Julie ce que j’ai vécu en vérité. Ma plume ne pouvait pas (…).

J’avais 21 ans, j’attendais mon premier enfant. Crest était occupé par les allemands. J’enseignais dans un village du Vercors. Une école isolée dans un bois. Les maquis autour, les allemands en bas (…).

Ce que j’ai vécu en 44 était si violent tout au fond de moi que Maria en est morte, que son enfant n’est pas né : le contraire de ma chance».

A très bientôt.
Anne