Fin septembre 2020

Temps mélancolique et vigoureux ensemble.
Je l’aime.
Le vent fouette les arbres toujours verts.
Seuls les prunus et les pruniers se défeuillent–pourpre sur l’herbe verte encore gorgée des averses de fin septembre,
Et tourbillons violets en débandade.

Anne, petite, voyait en chaque feuille morte une souris qui s’enfuyait : « regarde comme elle court devant le froid qui vient ! ».
Soudain, le nez de ma petite fille à la fenêtre de jadis dans un rond de buée, sa voix d’enfant. Les souvenirs courent avec les feuilles et je les aime aussi et m’émerveille, à l’intime de moi où tout me hèle en ce moment.

Souvenirs burinés à l’obscur des mémoires et, soudain, en voilà un qui vient, précis comme une herbe focalisée dans l’étendue du pré, et je ne vois plus qu’elle.
Une herbe.
Un souvenir…
Un nez écrasé à la vitre.
Humble noblesse de tout l’obscur en soi qui se donne, soudain, en rameutant la Joie que l’on croyait perdue  –qui était là, pourtant, au plus obscur de cet illisible archivage qui décide de la seconde où il me l’offrira.
L’obscur sait mieux que moi les constellations de mon ciel aux fragiles balans d’étoiles et il sait, mieux encore, mes fragiles balans de la vie quotidienne,

et il branche, débranche,
pour que le courage perdure,
et son instinct de vie et son instinct de joies qui font feu de tout bois.

    Et moi je m’émerveille…
De son rôle superbe ?
Son humble rôle ?
Son rôle muet, en tous cas.

Il est ma Part Royale, je l’aurai dit à tous les vents.
Comme j’aurai dit à tous vents que je n’ai que la tâche de déblayer devant sa porte, de clarifier son accès… grattages, balayages, mais, plus souvent encore, cette confiance existentielle :
Il est, alors je suis, à moins que ce ne soit l’inverse,

Mais c’est sans importance, l’essentiel étant bien cette interaction qui me porte.

Anne Pierjean, Automne 1998

 

En guise d’édito de septembre

Un peu gommé par les préoccupations de l’instant (la lecture du 30 août, le Forum du 5 septembre et mes quelques jours de vacances évadées), l’édito peut prendre aujourd’hui la forme d’un lendemain de fête avec l’empreinte en moi de la lecture d’hier, à Chabrillan, forte et douce.

Ce fut un beau moment de partage. Il m’a semblé que l’écriture s’y écoutait comme une musique.

En remerciements aux amis du vieux Chabrillan (qui m’ont invitée à partager les journées du patrimoine avec des souvenirs de leur jeune instit de 1944-45) j’envoie un beau texte qui s’accorde aux beaux arbres de leur village. Il a été publié en son temps par la revue « les épines drômoises » (« l’arbre qui m’a bercée » que je partagerai plus tard sur le site !).

Et je mets en ligne ce poème d’Anne Pierjean, en hommage à la fin de l’été.

Yeux mi-clos
Joie d’un septembre encore été, plus la sagesse.
En filigrane
Tant de soleils, d’enfants et de bleu clair
Jubilation au creux surcreusé de mon ventre.

Mes doigts cliquètent maille à maille leurs chapelets de laine
Et le tricot des mots orchestre
Et borde l’heure.
J’entends, lointain, le tic-tac à rebours qui me sous-tend le temps
Et dès lors m’offre
La brève éternité intense
De l‘instant.

*