L’Edito d’Anne
Juin ou Juillet, je ne compte plus
L’été s’empare de nous en en force.
Les volets clos, l’été nous concentre aussi sûrement que le grand froid de l’hiver. Et le bonheur frais n’est dans le pré que le matin tôt, au pied du magnolia qui déploie de larges coupes de parfum…
Un autre bonheur est le soir au retour des grillons, leur chant séquencé me restaure et me régénère… ils avaient disparu durant quelques années et mon émotion de les retrouver me fait prendre mille précautions, surtout ne pas les décourager, qu’ils veuillent bien s’installer comme autrefois, m’accueillir et m’accompagner, comme au temps de mon enfance, dans le noir intense du jardin du soir..
Le jardin est un poème qui déploie ses rimes chaque jour… rimes libres en volutes, en pousses menues ou en efflorescences vivaces, en puissances aussi, comme les longues arabesques de la glycine sur mon balcon ou des bignones qui envahissent dès que j’ai le regard tourné, rapides comme l’éclair !
Que j’aime ce trop-plein de vie et ces fulgurances.
L’association végète, le travail de fond s’étire, le reste est en jachère… sans doute pour mieux trouver comment s’exprimer ensuite, comment libérer les mots que le temps pourrait effacer comme les traces sur le sable, à chaque lampée de vague.
Inscrits sur le papier ils pourraient pourtant s’effacer aussi, les mots d’Anne Pierjean, pilonnés par les modes, les renouvellements incessants, l’inflation des écrits.
J’ai foi en leur force et leur pérennité.
Des tapuscrits s’avancent dans leurs dernières corrections pour être offerts à lire, comme en habits de fête, contemporains dans leur prêt-à-imprimer (comme on dirait prêt-à-porter).
Merci à Alain Nesme qui s’est consacré à cette préparation minutieuse de la prochaine « collection » ! : « Anne des collines » a été restauré et « Une enfance contée » est sur son « métier » … C’est un travail minutieux comme celui d’un lissier, les fils entre-croisés sont parfois à resserrer d’un espace, ou d’une ponctuation « justifiée » …
Dans le jeu de navette de ce travail des yeux, où la lecture exige la connaissance de l’auteur et où se mêle compétences typographiques et informatiques, se glissent des émotions chaque fois renouvelées. Elles s’engouffrent ou s’amplifient, se retrouvent ou apparaissent, surprenantes, subjugantes parfois…
A chaque re-lecture, j’ai eu des chocs, des surprises ou des révélations et les re-lectures croisées nous enrichissent. Il m’arrive de penser que « je n’avais pas encore entendu ça comme ça ». Magie de l’écriture laissée et de l’échange autour.
« Nous ne repasserons pas par là », disait Paul… On ne repasse jamais, en effet, par le même chemin, même s’il est familier, connu, prévisible et que les pas s’y engagent sans penser… des résonances s’éveillent à la même lecture, nouvelles à chaque âge, à chaque moment, unique et sans retour, à chaque séquence de notre existence qui nous fait entrevoir d’autres angles de vue ou nous révèle d’un coup un détail « in-su ».
Au-delà, Merci à tous ceux qui laissent en partage des mots écrits, Merci à cet élan de vie qu’ils tendent à pleine voix, et à ces surprises qui nous attendent à chaque croisement d’une œuvre, qu’elle soit de mots, de notes, de gestes, de couleurs ou de formes.
c’est la période des festivals et ces passeurs là foisonnent surprenantes, subjugantes parfois …